L'Onu doit envoyer des renforts en RDC pour éviter la crise
Pour éviter une catastrophe humanitaire de grande ampleur dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC), le Conseil de sécurité de l'Onu n'a semble-t-il d'autre choix que d'y envoyer des casques bleus supplémentaires tout en faisant pression sur Kigali et Kinshasa.
Les combats des derniers jours a jeté sur les routes et les pistes des dizaines de milliers de civils de plus dans la province troublée du Nord-Kivu, où les violences des deux dernières années avaient déjà déplacé près d'un million de réfugiés.
Au motif de la crise financière mondiale, les membres du Conseil de sécurité sont réticents à renforcer encore la Mission des Nations unies au Congo (Monuc), qui, avec 17.000 hommes déployés sur le terrain, est déjà l'opération de maintien de la paix la plus importante jamais organisée par l'organisation mondiale.
Mais le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, les a mis en garde contre les risque d'une crise humanitaire aux "dimensions catastrophiques" s'ils restaient passifs devant la dégradation de la situation dans cette région de l'Afrique qui n'a pratiquement pas connu la paix depuis plus d'une vingtaine d'années.
UN CONSEIL DE SÉCURITÉ DIVISÉ
Le chef de l'Onu a dépêché cette semaine des émissaires à Kinshasa et à Kigali, capitales respectives de la RDC et du Rwanda, qui s'accusent mutuellement d'être responsable de la dégradation de la situation, alors que les membres du Conseil de sécurité sont divisés sur ce point.
Les 15 membres du directoire de l'Onu se sont contentés jusqu'à présent de publier deux déclarations non contraignantes appelant à la fin des violences, stigmatisant l'insurrection armée du général tutsi congolais déchu Laurent Nkunda et demandant à l'armée congolaise de ne pas aider les rebelles hutus rwandais.
Les 4.000 rebelles de Nkunda, qui sont arrivés mercredi soir aux portes de Goma, chef-lieu du Nord-Kivu, sont soutenus selon la RDC par des militaires rwandais, mais les Etats-Unis et la Grande-Bretagne répugnent à pointer du doigt le président rwandais Paul Kagamé.
Autre membre permanent du Conseil avec droit de veto, la France, dont les relations avec Kigali sont délicates depuis le génocide des Tutsis en 1994, s'efforce d'éviter que son homologue congolais Joseph Kabila soit placé en position d'accusé.
Nkunda, qui prétend agir dans l'intérêt de la protection des Tutsis du Congo, accuse l'armée de Kabila, dont il est issu, d'avoir partie liée avec les milices hutues rwandaises tenues pour responsables du génocide de 1994 et réfugiés depuis dans l'est de l'ancien Congo belge.
NKUNDA MENACE DE PRENDRE GOMA
L'armée congolaise en déroute s'est repliée sur Goma, important noeud économique et commercial régional, où les effectifs de casques bleus de la Monuc ne comptent que 800 hommes. La ville est à portée de canon des rebelles, mais ceux-ci ont décrété mercredi soir un cessez-le-feu.
Nkunda a menacé jeudi de prendre la ville, désertée par sa population tutsie et livrée aux pillages et aux exactions de militaires et de Hutus, si les forces de l'Onu n'en assuraient pas la sécurité. Ban Ki-moon l'a imploré vendredi de n'en rien faire et de proroger son cessez-le-feu.
Le chef de la diplomatie française, Bernard Kouchner, qui cherche une réponse humanitaire à cette situation après avoir renoncé à son idée d'envoyer des troupes européennes devant hostilité de l'Allemagne, est attendu dans la journée à Goma, au titre de la présidence française de l'UE.
Mais c'est le Conseil de sécurité des Nations unies qui reste, dans ce contexte, placé devant ses responsabilités.
"D'abord, ce qu'il faut, c'est maintenir une pression constante sur les parties en conflit et sur les gouvernements du Congo et du Rwanda afin qu'ils ne soutiennent plus leurs ennemis respectifs", analyse Anneke Van Woudenberg, spécialiste de l'Afrique au sein de l'ONG Human Rights Watch.
"Or, c'est ce qu'ils font actuellement. Le Conseil répugnait jusqu'à présent à critiquer publiquement les gouvernements de Kabila ou de Kagamé pour ce soutien et il est grand temps qu'il sorte de son silence", estime-t-elle.
"LA MONUC PREND NOTE"
Mercredi, dans une déclaration adoptée par consensus, le Conseil, dont nombre de ses membres jugent en privé que Kigali alimente la rébellion de Nkunda, s'est borné à inviter la RDC et le Rwanda - sans les critiquer - à prendre des mesures pour désamorcer la tension et rétablir la stabilité de la région.
Le chef de la Monuc, Alan Doss, a réclamé 2.000 hommes de plus - deux bataillons de l'armée, deux compagnies de forces spéciales et des policiers - pour faire face à la crise. Le Conseil s'est contenté de "prendre dûment note" de sa requête.
"La réalité, c'est que l'armée congolaise n'est pas capable d'assurer la protection du territoire congolais, donc celle-ci ne peut être assurée véritablement que par la Monuc", souligne Anthony Gambino, du Conseil des relations étrangères, un cercle de réflexion américain. "Or la Monuc n'a pas les effectifs pour faire cela."
Pour Fabienne Hara, de l'International Crisis Group, centre d'analyses basé à Bruxelles, la diplomatie et le dialogue à long terme doivent prendre le pas sur un renforcement éventuel de la Monuc. A ses yeux, il est temps que Kigali et Kinshasa normalisent leurs relations et mettent fin à leur guerre par procuration entre réfugiés hutus rwandais et rebelles tutsis congolais.
Cela implique de trouver des solutions à un certain nombre de problèmes délicats: la présence d'un grand nombre de Rwandais dans l'est du Congo, la protection des minorités, le sort des réfugiés, le partage des ressources naturelles et de vieux litiges territoriaux.
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