RDC : Les errements d'Etienne Tshisekedi
Où va l'UDPS ? Bien malin celui qui pourrait définir le cap choisi par son président, Etienne Tshisekedi. A 79 ans, "l'opposant historique", comme le nomme la presse congolaise, semble avoir fait le vide autour de lui. Beaucoup accusent le patron de l'UDPS de s'être muré dans son rôle de "président" virtuel, après les élections contestées de novembre 2011 et de nier la réalité de la situation politique. D'autres critiquent son manque de compromis et ses diktats, menant le plus souvent à l'exclusion politique, puis à la scission.
Enième ramaniement
Dernier événement en date :
la réorganisation du parti après l'éviction de son secrétaire général,
Jacquemain Shabani, accusé d'avoir détourné 300.000 dollars. L'UDPS
vient de nommer Bruno Mavungu au poste de numéro 2 du parti. Même si le
parquet général a lavé Shabani de tout soupçon, le divorce semble bel et
bien consommé entre Tshisekedi et son ancien secrétaire général.
Résultat : à Kinshasa, on parle déjà de la naissance d'une "aile
Mavungu" et d'une "aile Shabani".
Exclusion et scission, les
épisodes se suivent… et se ressemblent à la tête de l'UDPS. Peu avant
les élections présidentielles de 2011, François-Xavier Beltchika, un
ancien leader de l'aile Righini de l'UDPS, avait claqué la porte pour
créer son propre parti. Dans un texte publié par Congo Tribune,
Beltchika dénonçait "la léthargie et la paralysie totale du parti",
condamné selon lui "au naufrage".
Candidature en solo
Pendant le cycle
électoral de 2011, là encore, Tshisekedi ne compose pas. Sûr de son aura
et de sa victoire, le "sphinx de Limete" choisi de jouer en solo :
aucune alliance ne sera passée avec un autre parti d'opposition.
Problème : l'élection présidentielle à un seul tour nécessite une
candidature unique de l'opposition pour être en mesure de contrer le
président sortant, Joseph Kabila. Tshisekedi, Kamerhe et Kengo (les
autres candidats d'opposition) se renvoient la responsabilité de
l'échec. Résultat : Tshisekedi arrive en deuxième position... et perd.
La fraude électorale est dénoncée de toutes parts, mais Tshisekedi
annonce tout de même "sa" victoire et s'autoproclame "président de la
République démocratique du Congo". Seul souci : si Kabila n'apporte pas
la preuve de sa victoire (des milliers de Procès verbaux de l'élection
ont disparu), Thsisekedi n'est pas plus en mesure de prouver le
contraire. La "cérémonie d'investiture" de Tshisekedi se déroulera dans
sa résidence privée, entouré seulement de quelques proches… dans
l'indifférence générale. Certains proches du mouvement regrettent que
Tshisekedi n'ai pas anticipé la fraude électorale (prévisible) et
préparé une contre-offensive plus pertinente à la victoire annoncée de
Joseph Kabila.
Exclusion de 33 députés
L'isolement de l'UDPS
continue après les résultats des élections législatives, elles aussi
frauduleuses, puisque se déroulant le même jour que la présidentielle.
Considérant (à juste titre) la nouvelle Assemblée nationale
"illégitime", Etienne Tshisekedi demande à ses candidats de boycotter
l'institution. Mais la majorité des députés UDPS refusent le "jusqu'au
boutisme" de leur patron et estiment que la voix de l'opposition sera
plus audible au sein l'Assemblée qu'en dehors (sans oublier les 7.000 $
de traitement !). Résultat : les 33 députés UDPS sont exclus et place en
orbite un nouveau "dissident", Samy Badibanga, comme président du
groupe UDPS/FAC et candidat au poste de porte-parole de l'opposition à
l'Assemblée. Là encore, le duo "exclusion-scission" fonctionne à plein
régime.
Plus inquiétant enfin, a été le dernier point presse tenu par Etienne Tshisekedi après sa rencontre avec François Hollande, lors du XIVème Sommet de la Francophonie de Kinshasa. Sur le coup, je n'avais lu que les dépêches d'agences relatant l'entrevue entre les deux hommes. Tshisekedi s'y déclarait "satisfait" de sa conversation avec le président français qu'il considérait comme "un frère de l'Internationale socialiste"… rien que de très banal. Je lisais cependant que la rencontre avait quelque peu décontenancé les conseillers de François Hollande… sans savoir pourquoi. Mais dernièrement, on me conseille de visionner l'intégralité de ses déclarations au sortir de l'entrevue. Et là, je comprends soudain l'embarras des diplomates français. On entend en effet Tshisekedi répondre à un journaliste lui parlant de son statut d'opposant : "je ne suis pas opposant, c'est moi qui suis au pouvoir au Congo. Ce sont les autres qui sont opposants !" Ou encore cette déclaration, comme s'il était effectivement au pouvoir : "je lui ai demandé (à François Hollande) de renforcer la coopération entre la République démocratique du Congo et la République française". La discussion devient quasi surréaliste concernant la situation au Kivu, où la rébellion du M23 se bat contre l'armée congolaise, Tshisekedi répond : "Il ne faut pas qu'il s'en fasse (il parle de François Hollande), dès que j'ai l'effectivité du pouvoir, 24 heures après il n'y aura plus de problème au Kivu, c'est la paix la plus totale !" (voir la vidéo tournée par Congo Mikili ci-dessous).
Déclaration d'Etienne Tshisekedi après la... par ChristopheRigaud
Les errements du leader de l'UDPS commencent à inquiéter la base du mouvement, surtout dans la diaspora à l'étranger. Les sorties tonitruantes d'Etienne Tshisekedi déstabilisent un bon nombre de militants et désorientent quelque peu les chancelleries occidentales. Certains affirment que la personnalité de Tshisekedi avait "refroidi" la communauté internationale sur sa capacité à prendre la succession de Joseph Kabila. A l'extérieur du parti, on n'hésite pas à déclarer Tshisekedi "hors jeu". Au sein des autres structures de l'opposition congolaise, l'entêtement du "vieux" à se considérer comme "le président élu" est qualifié de "farce tragi-comédie".
Pourtant, pour beaucoup, Tshisekedi représente encore l'image d'un opposant intègre. Le début de sa campagne électorale et son retour après 3 années "d'exil médical" en Belgique avaient été bien accueillis par les Congolais. Mais très vite, son positionnement s'est crispé autour de la candidature unique à la présidentielle. Tshisekedi a tout de suite fermé la porte aux négociations avec les autres candidats, estimant sa candidature comme "légitime" et donc non-négociable.
Depuis la fin de l'épisode électoral, le leader de l'UDPS a perdu beaucoup de sa crédibilité... Une crise de leadership qui commence à lasser une bonne partie de ses soutiens. Problème : aucune personnalité d'opposition n'a émergé des dernières élections de 2011 et l'opposition n'a pas encore trouvé son homme providentiel.
Christophe RIGAUD - Afrikarabia
A découvrir aussi
- La situation en Syrie doit questionner l’Occident !
- POSITION DE LA CPR SUR LE DIALOGUE NATIONAL EN PERSPECTIVE
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 10 autres membres