La nouvelle guerre d’agression contre la RDC sera-t-elle mise en échec ?
Une nouvelle guerre menace l’Est du Congo. Le Président Rwandais Paul Kagame a tourné le dos à l’accord de collaboration avec la RDC conclu début 2009 et il a préparé une guerre aux Kivus. Une guerre qui doit empêcher le progrès et la reconstruction de la RDC. La mobilisation du peuple congolais pourra-t-elle défendre l’unité du pays, éviter une nouvelle guerre d’agression et ouvrir la voie à la paix et à la reconstruction ?
La publication du fameux addendum au rapport des experts de l’ONU
sur l’implication du gouvernement Rwandais dans la préparation et
l’organisation de la mutinerie M23 est une victoire importante de la
diplomatie congolaise. Les preuves sont accablantes.[i]
Officiellement, toutes les puissances occidentales ont condamnés du
bout des lèvres l’appui du Rwanda à la mutinerie de l’armée Congolaise.
Or au lieu de prendre des mesures contre le Rwanda, l’on se limite à
demander des négociations entre le Rwanda et la RDC. La réaction de
Kigali ainsi que la façon dont une certaine presse en Occident relate
cette affaire, doit faire appel à la vigilance. En lançant des doutes,
des critiques et des contre-accusations, le régime de Kagame et ses
alliés tenteront de créer un écran de fumée pour cacher les preuves
ainsi que leur signification réelle. Ensuite Kigali essayera de
reprendre l’initiative.
Quel est le contenu de cet addendum ?
D’abord il est bien de noter que le
groupe d’experts est composé de cinq personnes : Steve Hege (Etats-Unis,
coordinateur et expert des groupes armés), Marie Plamadiala (Moldavie,
expert en douance et aviation), Ruben de Koenig (Pays-Bas, matières
premières), Steven Spittaels (Belgique, expert financier), Nelson
Alusala (Kenya, expert en armements), et Emilie Serralta (France,
questions régionales). Vu la gravité des faits, le groupe d’experts a
multiplié le nombre de sources indépendantes les unes des autres en les
augmentant de trois à cinq unités pour chaque fait qui est mentionné.
Le groupe a vérifié ainsi des dizaines de faits. Nous résumons ce qui nous semble le plus importants :
· Une
description détaillée du soutien logistique, fourniture d’armements, de
recrues et aide active en créant une base arrière au Rwanda pour les
mutins congolais, par des hauts responsables du gouvernement et de
l’armée rwandaise
Les experts de l’ONU décrivent comment le 4 mai le général Makenga, complice du général Ntaganda [ii],
a déserté l’armée congolaise en quittant le territoire congolais et en
se rendant à Gisenyi au Rwanda. Là il a été accueilli par le général
Ruvusha, commandant de la division occidentale de l’armée rwandaise. Le
même jour, 30 soldats loyaux à Makenga sont venus de Goma au Rwanda,
ainsi que 60 soldats qui sont venus de Bukavu. Ensuite Makenga est
retourné avec ses troupes au Congo, au territoire situé entre les
collines de Bukina, Mbuzi et Runyonyi, près de la frontière entre la
RDC, l’Ouganda et le Rwanda où s’étaient retirés les mutins.
Le rapport décrit les routes de
ravitaillements en armes et en recrues qui ont été organisés par l’armée
rwandaise via les localités de Kinigi et de Njerima au Rwanda. Mais le
rapport va beaucoup plus loin que cela.
· Des troupes de l’armée rwandaise sont directement impliquées dans les opérations des M23 sur le territoire congolais.
Le groupe cite pas moins de 6 témoins, parmi lesquels un soldat des FDR (Forces de Défense Rwandaises) [iii]
et 5 prisonniers du M23 qui tous, indépendamment les uns des autres,
affirment la présence des FDR sur le territoire congolais en combattant à
côté du M23. Le soldat rwandais a été envoyé début mars en RDC. « La
mission de son unité de 80 soldats était de préparer l’arrivée de
Ntaganda à Runyoni. Son unité est allée à Runyioni (en RDC) via Kinigi
(localité rwandaise, ndlr) Ntaganda et de Makenga y sont arrivés deux
mois plus tard. En route, son unité a été rejointe par 150 autres
soldats du FDR. » Un autre officier du M23 relate que « les troupes du
FDR ont été déployées dans le parc pas loin de Kanyanja pour aider les
rebelles lors de leurs opérations de combat avec les FARDC.[iv]
Il estimait que ces soldats rwandais étaient avec 150 à Kanyanja. » Un
autre officier du M23 a témoigné que « des unités des FDR ont supporté
les rebelles à trois occasions pendant lesquelles les FARDC
avançaient. » Un dernier officier a rapporté qu’il a été témoin de
l’arrivée de quatre vagues, chacune d’environ 100 soldats des FDR et 30
recrues. »
Enfin, les experts de l’ONU ont récupéré
des enregistrements de communications radio entre des comandants du M23
et des FDR dans lesquels l’officier du M23 confirme qu’il a déjà reçu
entre 400 et 500 soldats des FDR et qu’il demande encore de nouveaux
renforcements.
· L’envoi des ex combattants du FDLR.
Les experts écrivent : « Une fois
parcouru le programme rwandais de la commission de démobilisation et de
réintégration, tous les ancien combattants des groupes armés rwandais
deviennent automatiquement membre de la Force de Réserve des FDR,
commandé par le général Fred Ibingira. Des anciens officiers des FDR,
des politiciens et des collaborateurs du M23 ont indiqué que des ex
combattants des FDLR, membres de la Force de Réserve des FDR, ont été
remobilisé et déployé à Runyoni aux côtés des M23. … Selon des anciens
combattants du M23, des petits groupes de ces anciens arrivent chaque
jour et sont dispatchés sur les différentes positions du M23. » Un
ancien dirigeant des rebelles congolais qui s’était enfuis en 2003 au
Rwanda, a déclaré que la Force de Réserve des FDR a préparé pas moins de
2000 anciens combattants des FDLR pour les renvoyer en RDC. (voir plus
loin)
· Des hauts responsables tels que le ministre de défense et son assistant personnel, mais aussi l’ancien chef du CNDP (Congrès national pour la défense du peuple), Laurent Nkunda, ont fait un travail de mobilisation pour le M23. [v]
Plusieurs hommes politiques congolais ont confirmé avoir reçu des coups de téléphone de James Kabarebe [vi],
actuel ministre de la Défense rwandais, son assistant personnel
Senkoko, Jacquas Nziza, le secrétaire permanent du ministre de la
Défense et le chef staff des FDR, Genéral Kayonga, leur donnant l’ordre
de rejoindre le M23. Un des ces témoins déclare avoir été menacé parce
qu’il refusait.
Le groupe d’experts mentionne deux
réunions, les 23 et 26 mai, organisées par les responsables rwandais.
Lors de la première réunion, 32 chefs de communautés, pour la plupart
des membres du CNDP, ont été invités par Gafisi Ngobka, membre du CNDP, à
sa maison à Gisenyi, au Rwanda. Le capitaine Senkoko, l’assistant
personnel de Kaberebe, leur a dit au nom de Kaberebe lui-même, que le
gouvernement rwandais appuyait le M23, « la nouvelle guerre avait comme
but la sécession des deux Kivus. Après avoir montré le territoire à
libérer sur une carte, il a intimé aux politiciens de convaincre tous
les officiers rwandophones dansles Kivus de joindre le M23. »
La réunion du 26 mai avait lieu « à l’Hôtel Ishema à Ruhengeri (Rwanda), en présence de deux hauts dirigeants du FPR [vii],
les Bishops John Tucyahana et Coline. Des politiciens du CNDP étaient
invités pour entendre dire que le gouvernement rwandais appuyait le M23
politiquement et militairement. Tous les politiciens et militaires
rwandophones recevaient l’ordre de joindre le M23 ou de quitter les deux
Kivus. Plus particulièrement aux responsables du CNDP, on demandait de
démissionner du gouvernorat du Nord-Kivu et de se retirer de la majorité
présidentielle. » Une semaine plus tard ; le ministre de la Justice du
gouvernement du Nord-Kivu, le CNDP Francois Rucogoza, démissionnait.
Edward Mwangachuchu, sénateur et président du CNDP refusait de se
retirer de la Majorité présidentielle, malgré une pression énorme. Or,
des politiciens du CNDP qui avaient choisis le camp du M23 ont déclaré à
partir du Rwanda, au nom du CNDP, de se retirer de l’Alliance pour la
Majorité Présidentielle.
Les 2et 3 juin ainsi que le 9 et 10 juin,
des représentants des milieux des affaires à Goma, surtout des patrons
de pompes à essence, représentés par Désiré Rwanbaenda et Dieudonné
Komayombi, se sont réunis avec Kabarebe afin de discuter sur la
mobilisation des moyens financiers pour le M23.
Plusieurs témoignages confirment qu’à la
localité rwandaise, Kinigi, il y a régulièrement des réunions entre les
dirigeants du M23, Ntaganda et Makenga, et des hauts responsables de
l’armée rwandaise. Aussi Laurent Nkunda[viii] participe régulièrement à ces réunions.
· Alliance entre le M23 et des groupes de Mai Mai sous la tutelle du Rwanda
Enfin le rapport décrit comment la
direction de l’armée rwandaise et le ministre de la défense Kabarebe en
personne sont impliqués dans la construction d’un réseau d’alliances
avec différentes milices armées actives dans les deux Kivu. Au début ces
alliances avaient comme but d’exécuter des dirigeants des FDLR (Forces
démocratiques de libération du Rwanda).[ix]
Or depuis la mutinerie du groupe M23, ces alliances servent aussi à
attaquer les positions des FARDC et à déstabiliser le gouvernement
central. Il s’agit des Mai Mai Sheka (Nduma défense du Congo) à
Walikale ; Forces pour la Défense du Congo ; les forces de défense
locale de Busumba ; la coalition des groupes armés en Ituri, l’Union des
congolais pour la défense de la démocratie (Sud-Kivu).
Le Conseil Supérieur de la paix (Bukavu)
devrait organiser des manifestations anti-Kabila et organiser des
provocations violentes ethniques qui serviraient de prétexte à l’armée
rwandaise pour pouvoir traverser ouvertement la frontière et venir en
aide aux rwandophones « persécutés ».
Le déserteur colonel Byamungu, ancien commandant du 9ème
secteur des FARDC, basé à Uvira, était en communication régulière avec
le ministre de défense Kabarebe et avait début avril une conversation
avec le ministre de défense Kabarebe pendant laquelle ce dernier lui
demandait où il en était avec sa tentative d’assassiner le commandant de
l’opération Amani Leo, Delphin Kahimbi, colonel des FARDC.
Kagame veut empêcher que la RDC se mette debout
Les experts notent que lors des
négociations entre les gouvernements congolais et rwandais qui avaient
lieu depuis début avril, « des officiels rwandais ont insisté pour qu’il
y ait l’impunité pour les groupes armés et leur alliés mutins, le
général Ntaganda inclus et aussi pour le déploiement des nouvelles
unités de l’armée rwandaise aux Kivus pour des opérations d’envergure
contre le FDLR ». Les experts s’étonnent que « ces revendications ont
été répétées malgré les faits que a) le FDR (forces de défense
rwandaises) avait unilatéralement arrêté les initiatives pour affaiblir
les FDLR depuis fin février ; b) que des forces spéciales du FDR étaient
déjà présentes à Rutshuru depuis une année ; c) que des unités de
l’armée rwandaise renforçaient d’une façon périodique le M23 au combat
contre l’armée congolaise ; d) que le M23 était directement ou
indirectement allié avec plusieurs groupuscules des FDLR et e) que
l’armée rwandaise remobilisait des anciens éléments des FDLR qui étaient
rapatriés au Rwanda pour renforcer les rangs du M23 (au Congo). »
Il y a donc une grande contradiction
entre les paroles de Kigali et ses actions. Les autorités rwandaises
disent vouloir combattre les rebelles rwandais des FDLR qui se trouvent
toujours en RDC, mais en même temps elles renvoient des anciens
combattants des FDLR en RDC pour aller se battre contre l’armée
congolaise. Et en même temps Kigali exige l’impunité pour ses propres
officiers, même pour Ntaganda contre qui une demande d’arrestation et
d’extradition a été lancée par la Cour pénale internationale de La Haye
pour crimes de guerre.
En d’autres mots, Kagame revendique que
le gouvernement congolais accepte à renoncer à son autorité sur les
provinces du Kivu. D’ailleurs Le capitaine Senkoko, assistant personnel
du ministre de la Défense de Kabarebe, parlant au nom de son chef l’a
dit ouvertement à la réunion du 23 mai aux chefs communautaires que
« Kigali veut la sécession des Kivus » et il a même brandi une carte
avec le territoire à « libérer ». Aussi le fait d’avoir lancé à nouveau
Nkunda dans la direction du M23, démontre bien l’ambition réelle de
Kagame.
· Août 1998, début de l’agression rwando-ougando-américaine,
· janvier 2001, assassinat de Laurent Kabila,
· printemps 2004, occupation de Bukavu,
· automne 2008 menace d’une nouvelle grande guerre avec les hommes de Nkunda…
C’est comme si derrière « le pillage des
minerais » et derrière « les tensions ethniques » se cachait à un autre
niveau lointain des tireurs de ficelles et comme si à chaque fois que la
RDC commence timidement à se lever, il fallait l’humilier et la plonger
dans le chaos et l’horreur.
Aldo Ajello était le représentant de l’Union Européenne de 1996 au début 2007 pour la région des grands lacs. En mars 2007, à la fin de sa carrière, il a parlé ouvertement à Colette Braeckman. Ajello
a en effet confirmé qu’en 1998 les milieux diplomatiques occidentaux
avaient tous misé sur Kigali par antipathie pour Laurent Désiré Kabila.
Les mêmes milieux n’ont pas hésité par la suite de verser des larmes de
crocodiles sur le sort du peuple congolais pendant et surtout après la
guerre d’agression tout en faisant pression sur Joseph Kabila, resté
trop lumumbiste à leur goût.
Mais le géant se réveille lentement et
sûrement. A chaque reprise de l’agression, les rapports de forces sur le
terrain et aussi au niveau diplomatique changent petit à petit. Si en
1998 la guère a pu littéralement couper la RDC pendant 5 années en
morceaux, les autres agressions ont à chaque fois mené à des crises qui
étaient plus vite et plus facilement maîtrisées. Aujourd’hui la
rébellion de Ntanganda a du laisser dans les mains de l’armée congolaise, plus de 20 tonnes d’armements lourds et munitions et elle se trouve, pour le moment en tout cas, encerclée à la frontière avec le Rwanda par les FARDC.
Pendant ce temps la complicité du Rwanda
est devenue claire pour le monde entier et cela sera plus difficile
qu’en 1998, 2004 ou 2008 pour Kagame de continuer à nier son rôle dans
cette guerre. Est-ce qu’on assiste enfin à un moment charnière dans
l’histoire de la RDC ? Les menaces restent en tout cas grandes.
Le danger de l’idéologie génocidaire
Dans son livre « Kabila et la révolution congolaise. Panafricanisme ou néo-colonialisme ? », feu Ludo Martens a consacré un chapitre à l’analyse de l’idéologie génocidaire.
Il avertit que « le virus de l’ethno-fascisme qui ravage le Rwanda
depuis 1959, pourrait aussi détruire le Congo ». Ensuite il décrit la
voie rwandaise qui a mené au génocide de 1994. Il décrit ensuite comment
le Rwanda de Habyarimana a exporté ses mythes génocidaires au Kivu. Il
analyse les mécanismes de manipulation idéologique qui font que des
jeunes gens fanatisés peuvent devenir tellement aveugles qu’ils sont
prêts à commettre des actes horribles sur des concitoyens désarmés,
innocents, femmes, enfants et vieillards.
Dans le stade actuel du système
mondialisé après la chute de l’Union soviétique « L’ethnicisme mène à la
diabolisation de l’ethnie « ennemie » et à l’angélisation de sa propre
ethnie. De l’histoire, on ne retient que toutes les défaites que l’autre
ethnie a infligées à la sienne. Du passé récent, on met en exergue tous
ses morts sous les coups de l’autre ethnie. Les masses populaires de
toutes les ethnies sont pauvres et victimes d’innombrables injustices.
Et ces souffrances rendent ces masses mobilisables pour une « revanche »
contre des ethnies ennemies présentées comme les forces du mal... On
crée des mythes sur le caractère et les habitudes de l’ethnie
« ennemie » et chaque fait ou acte est interprété comme une confirmation
de ces mythes. Comme des violences sont commises des deux côtés, le
crime d’un côté engendre le crime de l’autre camp et une spirale de
violences entraîne tout le monde vers l’abîme. Il existe toujours des
faits épars permettant de diaboliser une autre ethnie. Et une fois
l’idéologie ethniciste implantée, toutes les intoxications deviennent
crédibles. Chaque ethnie (ou religion, ou nationalité) peut nourrir ses
haines aux crimes réels ou imaginaires imputés à une autre ethnie,
religion ou nationalité. Une fois qu’on a lâché ces démons, la même
idéologie et la même pratique génocidaire se manifeste chez les
extrémistes de chaque partie impliquée. »
Ludo Martens avertissait déjà en 1999
« En rejetant la politique d’indépendance africaine de Kabila, en
s’engageant comme un mercenaire aux côtés de l’impérialisme américain,
Kagame a pris une orientation à la fois génocidaire et suicidaire... »
Il est clair qu’aujourd’hui Kagame, sous l’instigation de son allié,
l’impérialisme étasunien, continue à jouer avec cette idéologie
génocidaire et à essayer de l’instrumentaliser en fonction de ses
intérêts mesquins. Le rapport des experts de l’ONU mentionne plusieurs
faits qui donnent à réfléchir à ce sujet.
L’arme de la provocation
Le passage dans le rapport sur la
collaboration entre le Rwanda et le soi-disant « Conseil supérieur de la
paix » à Bukavu est d’une importance extrême pour comprendre les pièges
que Kagame tend pour pouvoir reprendre l’initiative.
« Le Conseil Supérieur de la paix
(CONSUP) a été cré en décembre 2011 après les élections avec le but de
semer le malaise parmi les populations contrariées qui mettaient en
doute la crédibilité des élections de novembre. Des candidats malheureux
s’unissaient avec des commandants des anciens groupes armés intégrés
dans les FARDC, notamment les Forces Républicaines Fédérales (FRF) et le
CNDP. Dans les réunions préparatoires au quartier général des FRF à
Bukavu, c’étaient des officiers de l’ex-CNDP, le lieutenant colonel
Vianney Kazarama (actuellement le porte-parole du M23, ndlr) et le
colonel Seraphin Mirindi qui représentaient le colonel Makenga. Lors de
cette réunion, Kazarama donnait les noms des gouverneurs futurs de l’Est
du Congo. Selon plusieurs anciens membres du CONSUP, plusieurs
individus à ces réunions confirmaient que leur mouvement avait l’appui
total du Rwanda. »
Les experts de l’ONU continuent :
« L’objectif initial du CONSUP était de créer le malaise à travers
l’agitation des membres de l’opposition politique avec des grèves et des
protestations urbaines jusqu’à des provocations des forces de l’ordre
qui aboutiraient à la mort des manifestants, ce qui serait l’étincelle
d’une rébellion armée contre le Président Kabila. Selon plusieurs
membres du CNSUP, arrêtés avant qu’ils n’aient pu agir, ce soulèvement
de Bukavu devrait être suivi de « renforts de l’armée rwandaise venant
de Cyangugu/Rusizi au Rwanda sous prétexte de venir au secours des
populations rwandophones ou des citoyens rwandais supposés être des
victimes ou visés par cette manifestation ». Selon les commandants des
FARDC et les services de renseignements congolais, le dirigeant du
CONSUP, René Kahukula se cache actuellement au Rwanda. »
Quand des simples gens sont coupés en morceaux avec des machettes par des fanatiques
Les experts de l’ONU mentionnent la
fondation d’un nouveau parti, l’Union des Congolais pour la Défense de
la Démocratie (UCDD) le 9 mai 2012 par Xavier Chiribanya, ancien
gouverneur du Sud-Kivu sous l’occupation de l’armée rwandaise et ancien
membre du RCD-Goma (les anciens rebelles pro-rwandais) , qui a fui en
2003 Bukavu et se cache depuis au Rwanda. Chiribanya a depuis ce 9 mai
organisé plusieurs réunions avec des dirigeants des groupes armés. Lors
de ces réunions il a insisté avoir l’appui total du gouvernement
rwandais pour organiser la rébellion contre Kabila avec le but d’obtenir
la sécession de l’Est du Congo. Lors d’une réunion qui a eu lieu le 24
mai à Bujumbura, capitale du Burundi, il a dit que « le Rwanda avait
entrainé plus de2000 anciens combattants ex-FDLR pour ce combat ». Les
experts écrivent : « Selon des sources des services de renseignements
congolais, des officiers des FARDC et un ancien membre de l ‘UCDD,
Chiribanya a déjà fourni des armes à plusieurs groupes armés à Uvira
ainsi qu’aux Mai Mai Yakutumba dans le territoire de Fizi. (Des
officiers du M23 ont confirmé au groupe qu’ils étaient effectivement
alliés avec les Mai Mai Yakutumba). … Chiribanya aurait aussi établi des
liens avec des unités de Raia Mutomboki dans le forêt Nindja au
Sud-Kivu ».
Le nom « Raia Mutomboki » (ce qui veut
dire en swahili « peuple révolté ») évoque des images atroces qui ont
été véhiculé via des mails fin mai-début juin des victimes d’une attaque
des FDLR coupées en morceaux avec des machettes. Le texte des mails
disait : « Voici ce qui se passe à l’Est du Congo. Sans commentaire ».
Il s’agissait d’un mail qui partait d’un certain pasteur Kitungano, et
qu’il s’agissait du massacre qui avait eu lieu à Bunyakiri la nuit du
dimanche 13 au lundi 14 mai. Des présumés combattants FDLR avaient
attaqué le village de Kamananga, dans le territoire de Bunyakiri, et tué
une vingtaine de civils et laissé 19 blessés. Dans une manifestation,
infiltrée par des membres du Raia Mutomboki, la population avait
protesté contre la passivité de la MONUSCO et 11 soldats pakistanais de
la MONUSCO ont été gravement blessés.
Or le journal Le Potentiel du 10 mars
mentionnait un autre massacre qui avait précédé ce massacre de
Bunyakiri. Il s’agit d’un massacre qui a eu lieu dans les villages de
Ngunda, Muhinga et Muhombe au Sud-Kivu et exécuté par les Maï-Maï Raïa
Mutomboki.
33 personnes ont été tuées entre le jeudi 1 et dimanche 4 mars par les Mai-Mai Raïa Mutomboki venus de Kalongé. Il s’agit de civils non armés qui ont été tués, selon Le Potentiel, à coup de machettes et par balles.
Parmi les victimes, le chef de la localité de Muhombe, un Congolais donc, qui avait logé chez lui 12 dépendants des FDLR, tous candidats volontaires au rapatriement au Rwanda. Une autre victime était une Congolaise mariée à un FDLR et onze autres victimes. Enfin il y avait neuf dépendants des FDLR qui ont été tués par ces Maï Maï Raïa Mutomboki à Ngunda.
33 personnes ont été tuées entre le jeudi 1 et dimanche 4 mars par les Mai-Mai Raïa Mutomboki venus de Kalongé. Il s’agit de civils non armés qui ont été tués, selon Le Potentiel, à coup de machettes et par balles.
Parmi les victimes, le chef de la localité de Muhombe, un Congolais donc, qui avait logé chez lui 12 dépendants des FDLR, tous candidats volontaires au rapatriement au Rwanda. Une autre victime était une Congolaise mariée à un FDLR et onze autres victimes. Enfin il y avait neuf dépendants des FDLR qui ont été tués par ces Maï Maï Raïa Mutomboki à Ngunda.
Ainsi on voit le résultat de toutes ces
alliances en apparence contre-nature que Chiribanya a noué a Sud-Kivu :
des éléments fanatiques en arrivent à couper en morceaux des simples
gens sans armes, enfants, femmes et vieillards car « c’est l’ennemi ».
Ainsi on crée la haine entre des communautés selon l’adage « diviser
pour régner ».
Quelle solution pour la déstabilisation et la guerre ?
La position du gouvernement congolais sur
la question est très claire et peut être résumée comme suit : « Il faut
en finir avec l’argument ethnique » et « nous voulons la paix, pas la
guerre ».
Kinshasa a fait tout pour donner des
preuves que les minorités ethniques, certainement les tutsi qui ont
servi de prétexte pour toutes les agressions en provenance du Rwanda,
n’ont pas de raison de se sentir menacés par le pouvoir central.
Le CNDP, organisation politique qui
prétendait défendre les intérêts des tutsi congolais, a été accueilli
dans l’Alliance pour la Majorité Présidentielle. Omer Nsongo Di Liema, journaliste à la Présidence,
remarque à juste titre que l’instrumentalisation de l’argument ethnique
nuit avant tout aux communautés ethniques en question et même aux
dirigeants de ces communautés eux-mêmes. Et Kinshasa ne laisse aucun
doute qu’elle n’accepterait plus de négocier avec des rebellions
prétendant défendre une minorité ethnique. Le Ministre de l’information,
Lambert Mende l’a répété encore le samedi 9 juin :
« Le Gouvernement engage les leaders des communautés du Nord et du Sud
Kivu à isoler et dénoncer tous ceux qui, dans ces communautés,
trahissent l’idéal patriotique en se faisant les instruments de la
déstabilisation de leurs provinces et de la RDC. Armée nationale et
républicaine, les FARDC ne seront jamais organisées sur une base
communautariste. »
Lors d’une conférence de presse
remarquable tenue à Kinshasa le 27 juin, le Ministre de l’information
Lambert Mende a répété ce message d’une façon brillante. Pour revoir cette conférence veuillez cliquer ici.
Le gouvernement congolais vient encore
d’interdire, le 30 juin, le quotidien « Le journal ». Lambert Mende a
justifié cette décsion comme suit : « Un article est publié et le
journal distribué. On y apprend qu’un groupe ethnique est coupable de je
ne sais quoi. Alors que nous, Gouvernement, qui luttons contre ces gens
sur le terrain, nous savons qu’aucun groupe ethnique n’est responsable
des faits criminels en tant que groupe ethnique mais ce sont des
individus que nous pourchassons sur terrain. »
Le ministre Mende a poursuivi en
soulignant que sa décision de suspendre la parution de ce quotidien est
conforme aux lois du pays : « Nous agissons pour protéger l’ordre public
[et] le droit de tous les groupes ethniques, parce que tel est notre
responsabilité. Nous sommes là, comme gouvernement, pour garantir le
droit de 404 groupes ethniques qui ont en partage la RDC. »
L’Agence de Presse Congolaise officielle,
ACP, publiait le 6 juillet, une dépeche disant : “M. Ally, président de
la jeunesse tutsi du Nord-Kivu, a fustigé, dimanche, la généralisation
par certaines personnes de sa communauté comme commanditaire des guerres
à l’Est de la RDC, plus particulièrement au Nord-Kivu. Dans sa
déclaration faite par voie des ondes de toutes les radios émettant à
Goma, le président de la jeunesse tutsi a indiqué qu’un problème de
l’armée qui est purement militaire ne peut en aucun cas faire l’objet de
la généralisation de toute une communauté. (…) C’est en ce sens qu’il a
appelé les politiciens et les autres leaders d’opinions du Nord-Kivu à
s’y impliquer fortement pour faire renaître la cohabitation pacifique
qui a toujours caractérisé les communautés de cette province, jadis
grenier de la RDC. » De tels appels sont donc repris par toutes les
radios à Goma et l’Agence de Presse officielle du Congo.
Mais tout cela n’empêche pas Kigali de
répéter inlassablement le mensonge que le gouvernement à Kinshasa
voudrait attiser la haine ethnique anti-tutsi.
Ainsi on retrouve dans le numéro
d’Afrique-Asie pour les mois de juillet-août 2012, un interview avec la
ministre pour les Affaires Etrangères, Mme Mushikiwabo, avec comme
streamer, la phrase « Dans la presse congolaise, le tribalisme refait
surface, avec des propos haineux contre le tutsi. »
Dans sa première réaction à l’ONU, sur le
rapport des experts, le 25 juin, Mushikiwabo avait littéralement dit :
« Dans certains médias proches du gouvernement congolais, on
parle de traquer les Rwandais et tuer les Tutsis. Cela nous rappelle la
rhétorique de 1994 avant le génocide et le Rwanda surveille de très près
ce genre de déclarations ». Ainsi Kigali a déjà lancé la
contre-offensive médiatique, qui doit justifier devant le monde entier,
son droit de « défendre les tutsis » en lançant la guerre aux Kivus.
Le double jeu des puissances impérialistes
D’ici octobre le rapport du groupe des
experts sera rendu définitif. On peut s’attendre à une avalanche de
preuves ou de pseudo-preuves avec lesquelles le gouvernement Rwandais va
essayer de démontrer qu’effectivement les rwandophones à l’est de la
RDC sont persécutés et qu’ils ont le droit à se défendre et à faire
appel au Rwanda pour les aider contre Kinshasa. Kagame pourra compter
sur l’hypocrisie occidentale pour réussir son coup.
A quel jeu jouent les Etats-Unis ?
Sans l’appui des Etats-Unis et de la
Grande Bretagne, le régime de Kagame n’aurait jamais pu survivre les 18
ans qu’il est au pouvoir. Des infractions contre le droit international,
invasion d’un pays voisin, actes de piratage aérien, élections
complètement falsifiées avec des scores de 94% au niveau national, des
rapports de l’ONU dénonçant le pillage du Congo… tout cela n’a jamais pu
empêcher l’appui permanent de Londres et Washington à leur poulain.
Actuellement le gouvernement rwandais ne finance toujours pas plus que
51% de son budget avec ses propres revenus. Les pays donateurs, en
majorité des pays européens et les Etats-Unis, financent 40% du budget,
le reste est financé par des emprunts. En 2011, les pays donateurs ont augmenté leur appui de 7%
en comparaison à l’année précédent. Aux Etats-Unis Kagame est très bien
vu, il ne passe pratiquement pas une année sans qu’il ne reçoive l’une
ou l’autre nomination allant de doctorats honorifiques à des prix pour
la bonne gestion. Des figures comme Bill Clinton, Tony Blair, Bill Gates
ne cachent pas leur amitié personnelle avec Kagame et font des dons
privés importants. Blair a même mis sur pied une ONG sous le nom Agence Governance Intiative
(AGI), à travers de laquelle il finance une équipe de 10 conseillers
dans les cabinets du Premier ministre, du ministère de Finances et à
d’autres endroits stratégiques de l’appareil d’Etat rwandais. Mais aussi
la coopération militaire entre les armées étasunienne, Britannique et
rwandaise est aussi importante.
Paul Kagame est un admirateur du marché
libre made in USA. Certes, il s’oppose à la colonisation européenne de
l’Afrique et du Rwanda en particulier. Son début politique s’est déroulé
dans le National Resistance Army de Museveni, qu’il a rejoint en 1979.
Ce mouvement se laissait inspirer par Mao, Che Guevara et George
Washington. Beaucoup des cadres étaient formés en Mozambique chez le
FRELIMO, qui était dans cette période des années 80 un mouvement
anti-capitaliste et anti-impérialiste. Mais Kagame a reçu une formation
de haut niveau au Fort Levenworth aux Etats-Unis, là où l’on apprend à
des chefs militaires comment diriger des grandes opérations. Pour son
fils il a choisi comme école la prestigieuse académie militaire Westpoint.
Depuis qu’il est au pouvoir au Rwanda, Kagame a été le plus grand
supporteur en Afrique de toutes les guerres étasuniennes. Il a joué le
rôle de mercenaire pendant la guerre d’agression lancée en aout 1998 et
téléguidée par Washington contre la RDC de Laurent Désiré Kabila. Il y a
quelques semaines, le 29 avril 2012, l’envoyé spécial des Etats-Unis
pour le Soudan, l’ambassadeur Dane Smith,
a encore fait l’éloge de l’armée rwandaise pour sa contribution aux
deux missions de l’ONU au Soudan. Avec quatre bataillons, environ 2000
soldats, le Rwanda forme le noyau dur de l’UNAMID, la mission de l’ONU
au Darfour qui coûte 1,6 milliards de dollars ce qui est 200 millions de
dollars de plus que la MONUSCO. L’UNAMID est d’ailleurs dirigé par le
lieutenant général rwandais, Patrick Nyamvumba.
Un virage à 180 degrés ?
Durant dix ans, et plus précisément de
1999 à 2009, les gouvernements occidentaux, Etats-Unis en tête, ont
exigé qu’il soit mis fin aux violences dans l’est du Congo par les
négociations et la « réconciliation ». Autrement dit, via l’intégration
dans l’armée et l’appareil d’Etat congolais de rebelles congolais, en
réalité dirigés et encadrés par des officiers de l’armée rwandaise.
L’intégration du général Ntaganda dans l’armée congolaise en est un bel
exemple. Mais, le mois dernier, on a assisté à un virage à 180 degrés.
L’ambassadeur américain en RDC met de l’huile sur le feu. Lundi 11 juin,
l’ambassadeur étasunien Entwistle, s’est déplacé vers Goma et y a
déclaré devant les autorités congolaises : « Nous soutenons les
efforts [déployés par le gouvernement congolais et ses partenaires]
contre le M23. N’importe quel gouvernement au monde a le devoir d’anéantir les mutins. Vous avez absolument raison d’anéantir ces mutins ».
(Souvenons-nous qu’en 2008 la communauté internationale sous la
direction des Etats-Unis avait encore « interdit » le gouvernement
congolais de chercher une solution militaire à la rébellion de Nkunda et
on avait imposé une solution politique sous forme de dialogue
inter-kivutien.)
Les Américains jouent donc double jeu :
ils appuient Kagame et en même temps ils se présentent comme l’allié de
Kinshasa contre le M23. Le président rwandais Paul Kagame, qui se sent
quelque peu trahi par son grand allié, a déclaré amèrement le 19 juin
lors d’une conférence de presse : « Avant les élections présidentielles,
ils ont cherché à tout prix un moyen de se débarrasser de Kabila, soit
via les élections, soit autrement. Finalement, Kabila a été élu et,
quels que soient les résultats des élections, ils ont compris qu’ils
devaient faire avec. Plus tard, ils sont revenus me voir pour me dire
qu’ils voulaient arrêter Ntaganda, mais que pour cela ils avaient besoin
de l’accord du Rwanda… A présent, ils nous accusent d’être responsables
de cette situation ! » (Jeune Afrique, 19 juin)
Contrôler le Congo
Les gouvernements occidentaux font croire
que seule la paix, une bonne administration, des élections
démocratiques et le respect des droits de l’homme les intéressent. Or
dans son discours, Kagame a levé le voile sur le véritable agenda de ces
gouvernements. Avant les élections, les Occidentaux – et probablement
des diplomates américains – voulaient l’impliquer dans un plan visant à
évincer Kabila lors des élections. C’est là le respect qu’ils ont envers
la démocratie et la volonté du peuple congolais. Mais, lorsque ce plan a
échoué, ils ont sollicité la collaboration de Kagame pour raviver, via
l’arrestation de Ntaganda, les conflits ethniques dans l’est du Congo
et, de cette manière, mettre Kabila dans l’embarras. Ce qui en dit long
sur leur prétendu souci de mettre un terme aux souffrances du peuple
congolais. En réalité, tout ce qui compte pour eux, c’est de pouvoir
accroître leur contrôle sur le Congo et empêcher le pays de suivre sa
propre voie et ce, malgré tous les beaux termes employés. De ce point de
vue : au plus il y aura de division en Afrique, et plus ils tireront
les ficelles dans les camps opposés.
Que se passera-t-il avec Kagame et que décideront ses maîtres étasuniens ?
Kagame, connaîtra-t-il le sort que
d’autres anciens amis des Etats-Unis, tels que Mobutu, Noriega et
dernièrement Kadhafi, ont connu avant lui ? Serait-on arrivé à la fin de
l’amour Etats-Unis – Kagame ? Difficile à dire. Une nouvelle grande
guerre d’agression rwandaise pourrait aboutir à une confrontation
ouverte entre l’armée rwandaise et l’armée congolaise, cette fois-ci
appuyée par les armées du SADC. En effet, le président angolais Dos Santos, vient de confirmer au ministre congolais des affaires étrangères, Raymond Tshibanda, que la RDC peut compter sur « le soutien et la solidarité de son pays ainsi que de la SADC, en tant que communauté régionale. »
Une telle situation pourrait bien signifier la fin de Kagame et risque
de créer au Rwanda une situation extrêmement explosive. Comme en 2008,
quand Kagame a été obligé par Washington de retirer Nkunda, Washington
fera tout pour mettre Kagame sous pression et pour éviter une telle
situation où elle risque de perdre son meilleur allié en Afrique. En
plus, les Américains sont sans doute aussi bien au courant de la colère
qui a été provoquée par la guerre contre la Libye chez les dirigeants
africains tels que ceux de l’Afrique du Sud, de l’Angola et même de
l’Ouganda. Est-ce que Washington voudrait éviter qu’une nouvelle guerre
en RDC, cette guerre de trop, qui chasserait les nord-américains pour
longtemps de cette région stratégique, comme ils ont été chassés de
l’Iran en 1979 (ils y sont haïs jusqu’à aujourd’hui) après avoir joué
pendant trois décennies un sale rôle dans ce pays ? Ou est-ce qu’ils
jouent un double jeu pour pouvoir jouer à l’arbitre pendant le conflit
et pour pouvoir se mettre dans le camp du gagnant, quand les évènements
sur le terrain en décideront ? Attendons voir.
Mais soyons réaliste. En lisant la
déclaration à l’occasion de la publication de l’addendum de Victoria
Nuland, porte-parole du State Départment à Washington, certains y ont vu
un grand changement dans la position des Etats-Unis envers le Rwanda.
En effet, Nuland disait que les Etats-Unis demandait au Rwanda d’
« arrêter et d’empêcher l’appui aux rebelles à partir du Rwanda ». Or
pour le reste Nuland concluait sa déclaration : « La retenue et le
dialogue dans un contexte de respect pour la souveraineté des deux
partis sont les meilleurs façon pour ramener la paix et la sécurité à
l’est du Congo et dans la région ». Selon la loi, votée au parlement
américain le 3 janvier 2006 sur « les besoins urgents en RDC », on peut
lire à la section 105 : « Le secrétaire d’état est autorisé à retenir
l’assistance à un pays étranger quand le secrétaire d’état détermine que
le gouvernement de ce pays entreprend des actions de déstabilisation de
la RDC ». C’est-à-dire que Hilary Clinton, en tant que secrétaire
d’Etat n’applique pas la loi votée dans son propre parlement. Au lieu de
prendre des mesures à l’encontre du Rwanda, elle fait demander par son
porte-parole, « d’arrêter cet appui » et insiste sur « la nécessité de
retenue et de dialogue ». L’hypocrisie et l’emploi des deux poids deux
mesures étasuniennes est sans limites. L’on peut s’imaginer ce que le
département d’Etat dirait si au lieu du Rwanda il s’agissait du
Venezuela qui appuyait une rébellion dans un pays voisin comme la
Colombie.
Kigali n’est d’ailleurs pas du tout
impressionné par la déclaration de Nuland. La Ministre Mushikiwabo
déclarait quelques jours plus tard, le 4 juillet, devant l’ambassadeur
américain à Kigali que “les relations entre le Rwanda et les Etats-Unis
ont évolué à travers les années et sont caractérisées par un respect et
un dialogue mutuel.” La Ministre a encore parlé sur « l’appui des
Etats-Unis pour le Rwanda dans l’arène internationale aussi bien au
niveau politique qu’économique ». Le jour suivant, le 5 juillet, le M23,
appuyé par les unités des FDR, ont lancé une offensive pour la prise de
la ville frontalière de Bunagana…
Herman Cohen et la compréhension pour l’agressivité de Kagame
Herman Cohen a été assistant secrétaire
d'Etat pour l'Afrique dans l'administration Clinton et sous—secrétaire
aux comités de sécurité nationale pour les Affaires Africaines dans la
période 1989 – 1993. Précédemment, il était directeur pour les Affaires
Africaines au même comité dans la période 1987-1998. Cohen défend une
certaine vision sur le conflit à l’Est de la RDC partagée dans la classe
dominante aux Etats-Unis. Dans cette vision, la guerre de Kagame est
justifiée selon la théorie ultra-libérale où la main invisible règle
l'économie d'une façon « naturelle », dont la guerre ferait partie.
Cohen formulait sa vision dans une tribune libre du « New York Times » du 15 décembre 2008 ainsi : « De
1996 jusqu'aujourd’hui, le gouvernement rwandais dirigé par les Tutsi a
contrôlé dans les faits les provinces orientales du Congo du Nord et du
Sud Kivu. Ce contrôle a été maintenu à travers des occupations
militaires avec des interruptions et la présence de milices congolaises
financées et entraînées par l'armée rwandaise. (...) Pendant ces 12
années, les provinces, riches en minerais, se sont intégrées
économiquement avec le Rwanda. » En d’autres mots Cohen accepte
l’agression et l’occupation militaire de l’Est du Congo comme normale et
économiquement justifiable, comme il trouve aussi normal que le
gouvernement rwandais est dirigé par un groupe ethnique au lieu d’une
coalition ou force politique qui représente la nation rwandaise dans son
entièreté.
Il continue en disant que dans le futur,
le Rwanda continuera d’une façon naturelle cette agression, tant que les
lois du marché auront leur raison : « Le Rwanda n'acceptera pas de
se priver des ressources qui constituent un important pourcentage de son
produit intérieur brut. » Dans cette vision libérale de l’histoire,
on accepte que ces hommes d'affaires rwandais aient tiré leur argent et
leur statut d'hommes d'affaires par le pillage des Kivus, rendu
possible par l’occupation militaire et le travail d’esclaves dans les
mines artisanales. A l’image des débuts du capitalisme en Europe, et des
« hommes d’affaires » européens qui tirèrent leur richesses de la
traite esclavagiste et des conquêtes coloniales, des lois contre les
paysans et contre la mendicité en Angleterre au 19ième siècle
ainsi que de la surexploitation des femmes et des enfants dans
l’industrie textile en Flandre, les capitalistes en Afrique centrale
auraient le droit « naturel » d’occuper militairement leurs voisins et
d’y installer un régime d’esclavage, comme ils le font d’ailleurs envers
la grande masse de paysans hutu et tutsi pauvres au Rwanda même.
En conclusion Cohen propose un compromis entre le gouvernement congolais et les hommes d’affaires rwandais : « En
même temps le gouvernement congolais a le droit de son côté de
contrôler ses ressources en faveur du peuple congolais. Il existe une
synergie économique naturelle entre l'est du Congo et les nations de
l'Afrique de l'est. Le flux normal du commerce de l'est du Congo va vers
les ports de l'Océan Indien plutôt que de l'Océan Atlantique. » Et il conclut qu’il faudrait donc négocier un accord qui « donnerait
aux hommes d'affaire rwandais un accès continu aux minerais et aux
forets congolais. Les produits continueraient d’être exportés via le
Rwanda. Le grand changement serait le paiement des taxes au gouvernement
congolais. Pour les hommes d'affaires rwandais, ces paiements seront
remboursés par des revenus augmentés. »
Naturellement chaque guerre finit avec un
accord de paix. Or l’accord que propose Cohen implique la balkanisation
économique de la RDC dans un contexte d’exploitation par les
multinationales étasuniennes et européennes. Car pourquoi le fait que
l'Est du Congo est plus proche de l'Océan Indien que de l'Océan
Atlantique serait-il un argument pour « la synergie que Cohen présente
comme normale entre l’est du Congo et les nations de l’Afrique de
l’est ? C’est à travers la mer que les matières premières sont exportées
par les multinationales. Cohen voit l’Afrique par les lunettes des
multinationales étasuniennes comme un continent qui livre des matières
premières. Un continent dont l’économie ne réalise pas de valeur ajouté
et dont les besoins propres de la population ne forment pas un marché
interne prioritaire. Du point de vue d’un développement réel panafricain
on ne peut pas nier la position géographique centrale de la RDC, ni ses
richesses naturelles aussi bien en ce qui concerne les minerais, que
l’énergie, l’eau et les potentialités agricoles.
La question est donc de savoir si la
coopération qui sortirait d'une réconciliation entre la RDC, le Rwanda
et l'Ouganda, tend vers une plus grande unité autour d’un RDC renforcée
ou vers un plus grand éparpillement ? Si elle contribue au développement
des outils industriels de la RDC et du continent ou est-ce qu'elle
pousse la RDC dans son rôle traditionnel de colonie fournisseuse de
matières premières ?
Il ne s'agit donc pas de refuser la paix,
ni le dialogue et la coopération avec les gouvernements des pays
voisins de la RDC. Mais est-ce que ces gouvernements veulent-ils une
vraie coopération panafricaine au service des peuples qui dépasse les
intérêts régionaux, ethnicistes ou claniques et qui reconnaisse le rôle
central de la RDC dans la reconstruction du continent Africain ? Ou
est-ce que certains d'entre eux continuent en silence à chérir des plans
de balkanisation et de déchirement de l'Afrique en faveur de leurs
intérêts mesquins et des intérêts des grandes multinationales
américaines et européennes ?
La cinquième colonne de Ngbanda et ses alliés peuvent compter sur la Radio France Internationale
En France, certaines forces sont
accoutumées à se montrer agressives envers Kinshasa. L’organisation
d’extrême droite congolaise APARECO, dirigée par Honoré Ngbanda,
l’ancien chef de la sécurité de Mobutu, reçoit depuis des années toute
liberté pour mener de Paris ses campagnes de haine contre Kabila et
semer la terreur dans la diaspora congolaise en Europe, visant tout
Congolais qui ne serait pas virulemment anti-Kabila. Ce sont ces
campagnes de haine qui ont été à la base des manifestations violentes de
l’opposition congolaise dans le quartier de Matonge, à Bruxelles,
durant la période précédant les élections de 2011.
Début juin, le porte-parole d’APARECO a
même pu utiliser la radio officielle Radio France International pour
lancer sa campagne contre le sommet de la francophonie à Kinshasa.
L’organisation propage aussi un racisme fanatique contre les personnes
parlant rwandais – qu’elles soient rwandaises ou congolaises. Le 8 juin,
l’APARECO titrait un de ses communiqués de presse « Nous voulons la guerre, rien que la guerre ».
L’APARECO vient aussi d’annoncer une
alliance avec l’UDPS d’Etienne Tshisekedi et l’ARP de Faustin Munene.
L’ancien bras droit de Mobutu emploie ainsi un parti moribond et une
force marginale pour annoncer « la mobilisation pour contester le
résultat des élections du 28 novembre, dénoncer l’instabilité dans
l’est, et empêcher la tenue du sommet de la francophonie prévu à
Kinshasa en octobre ». Un événement sans importance, s’il n’y avait le
fait que RFI, radio officielle française, s’emploie à jouer le mégaphone de cet « événement ».
Ce n’est pas un hasard que des alliés à
Ngbanda lancent des discours de haine anti-tutsi et anti-kabila en même
temps. Comme le complot du CONSUP à Bukavu, c’est une façon idéale pour
semer le désarroi dans le peuple congolais et laisser la place à toute
sorte de provocation utile à Kagame. Un sympathisant de Kagame envoi par
exemple cet URL d’un discours de haine du fameux Bisshop Elysee qui voyage entre l’Afrique du Sud et la Grande Bretagne. Un habitant de Londres, un certain Samy Kalonji peut aussi appeler librement à l’assassinat de Kabila et à une guerre totale contre les tutsi.
Tout cela se passe à partir des pays « donneurs de leçons en
démocratie », sous les yeux des services de renseignements occidentaux
qui sont habitués à comploter pour tuer des révolutionnaires tels que
Patrice Lumumba et Thomas Sankara.
La mobilisation populaire pourra-t-elle défendre l’unité du pays et faire échouer l’agression ?
Le gouvernement congolais vient de radier
la bande de Ntaganda de l’armée et continue à dénoncer la
responsabilité de Kigali à cette tantième agression. En même temps le
gouvernement Congolais défend l’unité de tous les Congolais, peu importe
leur origine, groupe ethnique, langue ou religion. L’appel à la
mobilisation populaire pour dire non à la division, la haine et
l’agression, pourra mettre en échec les plans de balkanisation et de
déstabilisation de la RDC et rendre possible la paix et le progrès. Les
semaines qui viennent, nous donneront la réponse
NOTES EXPLICATIVES et RAPPELS
[i]
Le 28 mai dernier, la chaîne britannique BBC a publié une note interne
de la Monusco (la mission de l’ONU au Congo), de laquelle il ressort
clairement que, depuis février – et donc avant l’éclatement de la
mutinerie –, des jeunes Rwandais étaient recrutés pour être envoyés au
Congo avec des munitions et armes lourdes. La note conclut que les
autorités rwandaises sont complices de la mutinerie. Cette information a
été confirmée les semaines suivantes par l’organisation des droits de
l’homme Human Rights Watch. La publication d’une annexe au rapport des
experts de l’ONU comportant des informations plus accablantes encore a
été bloquée pendant deux semaines sur ordre de l’ambassadeur étasunien à
l’ONU, Mme Suzane Rice. Malheureusement pour Mme Rice, le Conseil de
Sécurité était présidé pendant le mois de juin par la Chine. Et une
lettre du Ministre des Affaires Etrangères de la RDC, Raymond
Thshibanda, ensemble avec les nombreuses fuites dans la presse,
rendaient cette position de Mme Rice intenable.
[ii] Qui sont Ntanganda et que sont le CNDP et le M23 ?
· Bosco Ntanganda est né en 1973 à Kinigi-Ruhengeri au Rwanda.
· Au
début des années 90 il se bat dans l’armée patriotique rwandais de Paul
Kagame et il participe à la prise du pouvoir au Rwanda en 1994. En tant
qu’officier de l’armée rwandaise, il a participé à la guerre de
libération au Congo qui a renversé la dictature de Mobutu.
· En
1998, durant la seconde guerre en RD Congo, il a rejoint le groupe
rebelle congolais pro-Rwandais, le RCD-Goma (Rassemblement congolais
pour la démocratie, dirigé à partir de Goma). Au cours des années
suivantes, il a fait partie de divers groupes rebelles congolais, avant
de rejoindre l’Union des patriotes congolais (UPC) dans le district de
l’Ituri en 2002.
· De
2002 à 2005, il a servi sous les ordres du leader de l’UPC, Thomas
Lubanga, qui en mars 2012 a été reconnu coupable par le CPI de
recrutement et d’utilisation d’enfants soldats en Ituri. Ntaganda était
le chef des opérations militaires sous Lubanga et a été impliqué dans
des massacres ethniques, des actes de torture, des viols ainsi que dans
le recrutement massif d’enfants, dont certains n’avaient pas plus de 7
ans. Il était le co-accusé dans l’affaire Lubanga.
En 2006, après avoir quitté l’UPC à la suite de conflits internes, Ntaganda est devenu chef d’état-major militaire pour le Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), un groupe rebelle dirigé par des Tutsis sous la direction de Laurent Nkunda. En automne 2008, le CNDP sous la direction de Laurent Nkunda menace de lancer une guerre pour aller à Kinshasa et prendre le pouvoir.
En 2006, après avoir quitté l’UPC à la suite de conflits internes, Ntaganda est devenu chef d’état-major militaire pour le Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), un groupe rebelle dirigé par des Tutsis sous la direction de Laurent Nkunda. En automne 2008, le CNDP sous la direction de Laurent Nkunda menace de lancer une guerre pour aller à Kinshasa et prendre le pouvoir.
· Ntaganda
est impliqué dans certaines des exactions les plus horribles perpétrées
dans l’est de la RD Congo au cours des dix dernières années. En
novembre 2008 au Nord-Kivu, les troupes du CNDP sous le commandement de
Ntaganda ont tué environ 150 personnes dans la ville de Kiwanja.
Ntaganda était présent durant le massacre de Kiwanja. Une séquence vidéo
tournée par des journalistes internationaux l’a montré commandant et
donnant des ordres à ses troupes à Kiwanja le 5 novembre2008, le jour du
massacre.
· Après
l’échec de la tentative de transformer l’élection présidentielle de
novembre 2011 en une crise politique, les médias occidentaux mènent
depuis le mois de janvier 2012 une campagne en faveur de l’extradition
du général Bosco Ntaganda. Cette soudaine campagne contre Ntaganda avait
pour but de mettre le président congolais Kabila sous pression. En
2009, à la suite d’un accord entre les autorités congolaises et
rwandaises, Ntaganda a évincé Nkunda, s’est emparé de la direction du
groupe rebelle et a accepté d’intégrer les effectifs de celui-ci dans
l’armée congolaise. En attendant un revirement des rapports de force,
Kabila n’a eu d’autre choix que d’accepter d’intégrer Ntaganda comme
général dans l’armée congolaise.
· Pendant
trois ans, Kabila a refusé d’extrader Ntaganda vers le CPI à La Haye
invoquant que « la priorité du moment était donnée à la paix plutôt qu’à
la justice ». En effet, puisque Ntaganda prétendait défendre les Tutsis
du Congo, une menace d’arrestation à son égard l’aurait très
probablement poussé à prendre les armes au nom de « la défense des
Tutsis ». Cela aurait également attisé la haine des Congolais envers les
Tutsis et envers tous les Congolais parlant le rwandais, ce qui aurait
engendré une nouvelle vague de violences ethniques.
· Le
10 avril dernier, Kabila a finalement déclaré que Ntaganda devait être
arrêté. Quelques jours plus tard, une mutinerie éclate parmi les troupes
de l’armée congolaise sous la direction de Ntaganda. Début mai, une
nouveau mouvement rebella apparaît sous le nom de « M23 », ce qui réfère
à l’accord signé le 23 mai 2009. Selon les mutins de M23, cet accord
n’aurait pas été honoré. Dans les faits il s’agit d’une nouvelle
tentative du Rwanda de mettre l’Est d Congo dans le feu et le sang avec
l’objectif de créer un mouvement sécessionniste sous la protection et
avec l’aide du Rwanda.
[iii] FDR :
Forces de Défense Rwandaise. C’est l’armée du Rwanda. En juin 1994,
après trois mois de génocide pendant lesquels minimum 800.000 rwandais
ont été massacré par les milices et les FAR (Fores Armée Rwandaise),
l’armée de l’ancien régime, l’Armée Patriotique Rwandais (APR), l’armée
du Front Patriotique du Rwanda (FPR) a tiré profit du désordre crée par
le génocide et a chassé les FAR. Depuis 2002 l’APR s’est transformé en
FDR et est devenu l’armée officielle du nouveau régime dirigé dans les
faits depuis 1994 par Kagame. En 1996, l’APR ont aidés ensemble avec les
armées de l’Ouganda et de l’Angola ainsi qu’avec les différents groupes
de rebelles congolais qui s’étaient réunis dans l’AFDL (Alliance des
Forces Démocratiques pour la Libération du Congo) pour écraser
définitivement les FAR qui avaient trouvé refuge et protection dans le
Zaïre de Mobutu et qui y préparaient une offensive militaire pour
reprendre le Rwanda. L’AFDL sous la direction de Laurent Désiré Kabila a
transformé cette guerre en une guerre de libération contre la dictature
de Mobutu. Le 17 mai 1997 cette dictature était renversé et Laurent
Kabila prêtait serment comme Président de la République Démocratique du
Congo (RDC). En aout 1998 l’APR a lancé une guerre avec toute la
sympathie et l’appui de l’Occident pour renverser Kabila, jugé pas assez
loyal par les Etats-Unis et leurs alliés européens. Après quelques
semaines l’armée Ougandaise a rejoint cette guerre d’agression contre la
RDC mais elle s’est toujours montré moins ambitieuse que les APR/FDR.
Pendant cinq ans les APR/FDR ont occupés une grande partie de l’Est du
Congo jusqu’en 2003. Les dépenses militaires du Rwanda fluctuaient dans
cette période entre 21% et 36% des dépenses courantes, ce qui est
énorme. L’armée ougandaise pour sa part avait occupé le Nord de la RDC.
Après leur retrait officiel en 2003, les FDR ont laissé une masse
d’officiers rwandais qui se disaient « des rebelles congolais » et qui
étaient intégrés dans l’armée congolaise. Cette situation a rendu
instable l’est du Congo depuis 2003 jusqu’à aujourd’hui. Au printemps
2004 les FDR ont aidé des troupes de « mutins » sous la direction de
Laurent Nkunda et Jules Mutebutzi à occuper la ville de Bukavu entre le
26 mai et le 9 juin dans une tentative de relancer la guerre. La
mobilisation populaire avec des manifestations dans toutes les villes de
la RDC ont obligé le Etats-Unis à commander Kagame de retirer ses
troupes, ce qui a été fait du jour au lendemain et la ville a été repris
sans qu’un balle a été tiré par l’armée congolais. En 2008, Laurent
Nkunda a essayé de relancer encore une fois la guerre avec l’aide des
FDR. Au moment que l’armée angolaise commençait à déployer des
patrouilleurs à fin de venir en aide à l’armée congolaise et qu’un
rapport d’experts de l’ONU avait pour la première fois décrit le rôle du
Rwanda dans la mutinerie de Nkunda, Kagame a du signer un accord de
paix avec Kabila et les FDR se sont retirés. Nkunda a été mis
officiellement en résidence surveillée par Kagame au Rwanda. Après trois
ans de soi-disant paix et collaboration entre les armées congolaise et
rwandaise, les FDR sont donc de nouveau à l’assaut des deux provinces de
Kivu.
[iv] FARDC :
Forces Armées de la République Démocratique du Congo. C’est l’armée
congolaise. Les FARDC ont une mauvaise réputation à cause de certaines
unités dans lesquelles le gouvernement congolais a du accepter
l’intégration des différents groupes armés qui sont apparus dans les
territoires à l’Est pendant la guerre d’agression du Rwanda, de
l’Ouganda et du Burundi entre 1998-2003. Au début de l’opération
militaire contre les M23, les FARDC ont été loué pour leur attitude
correcte vis-à-vis de la population locale : Colette Braeckman du Soir l’avait déjà signalé, radio Okapi l’a du confirmer par après.
[v] Voir la note ci-dessus n° 2.
[vi] James Kabarebe
est né en 1959. Il était réfugié en Ouganda où il a fait les études à
l’université de Makerere et a obtenu le diplôme des sciences éconmiques
et politiques en 1989. Lors de la guerre du FPR contre l’ancien régime
de Habyariamana entre 1999 et 1994, il sera le secrétaire privé et
ensuite l’aide de camp du Président du FPR, Paul Kagame. Après la
victoire du FPR, il deviendra le commandant de la garde républicaine.
Pendant la guerre de libération contre la dictature mobutiste, général
Kabarebe était le commandant en chef de l’APR qui étaient actif en RDC.
Après la chute de Mobutu, il deviendra le conseiller militaire
principale du Président laurent Kabila. Fin juillet 1998, après deux
tentatives de Kabarebe de tuer Laurent Kabila, il sera démis de cette
fonction. Le Président Kabila demande aux troupes rwandaises présents en
RDC de quitter le territoire. A partir du 4 aout Kabarebe dirige une
opération de piratage aérien. Il confisque deux avions civils et
organise un pont aérien par lequel il envoi 1200 soldats du APR à Kitona
(une grande base militaire à l’autre côté du pays, entre Kinshasa et la
mer. Pendant la guerre d’agression (1998-2003) Le général Kabarebe est
d’abord le commandant en chef adjoint des APR (qui occupent une grande
partie de l’Est du Congo). Ensuite il remplacera en 2001 le général
Kayumba en tant que comandant en chef de l’APR. En octobre 2002, quand
l’APR est transformé en FDR (cfr note3), il devient commandant en chef
de défense des FDR. Les opérations de guerre en RDC ainsi que
l’occupation d’une grande partie de la RDC des APR/FDR se font depuis
2001 entièrement sous son commandement. En juillet 2010 le Président
rwandais Paul Kagame nommera Kabarebe ministre de défense dans le
gouvernement rwandais. Kabarebe est donc un très proche collaborateur de
Paul Kagame.
[vii] Le FPR (Front Patriotique Rwandais) est le movement politique de l’actuel Président Rwandais Paul Kagame. Le FPR a été créé en Ouganda, en 1987-1988
par des exilés tutsis. Les origines du FPR remontent à 1979, quand est
fondée la Rwandese Refugee Welfare Foudation (RRWF), association
caritative qui devient un mouvement politique, la Rwandese Alliance for National Unity
(RANU) l'année suivante. Le FPR est issu du RANU. De 1981 à 1986, une
partie des jeunes Tutsis de la RANU s'engagent dans la guérilla de Yoweri Museveni contre Milton Obote,
alors président de l'Ouganda, qui entretient des campagnes xénophobes
contre les Tutsis. Le mouvement de M. Museveni compte, quand il prend le
pouvoir, au moins trois mille tutsis, sur un total de quatorze mille
hommes. Parmi ces militaires d'origines rwandaises, plusieurs occupent
de hautes fonctions dans l'armée ougandaise. Ainsi, Fred Rwigema, président fondateur du FPR, est secrétaire d'État à la Défense, puis conseiller du président Museveni. Paul Kagame est chef de la Sécurité militaire.
Le FPR choisit de reprendre le pouvoir
par la force au Rwanda. Il se dote d'une branche militaire, l'Armée
patriotique rwandaise, formée par des officiers et soldats tutsis de
l'armée ougandaises. Museveni laisse faire. La première offensive est
déclenchée le 1er octobre 1990, mais c'est un échec et Fred Rwigema est
même tué, dans des circonstances non élucidées, dès le 2 octobre. Le 14,
Paul Kagame rentre des États-Unis, où il suit une formation militaire,
pour devenir chef du FPR. Plusieurs accords de cessez-le-feu sont signés
entre le gouvernement rwandais et le FPR, mais ce dernier les viole
tous (en 1991, 1992 et 1993), jusqu'aux accords d'Arusha d'août 1993.
Le FPR avait pour objectifs officiels le retour des exilés au Rwanda, le refus de l'ethnisme qui a plongé le Rwanda dans le génocide,
et la lutte pour un Rwanda démocratique. Dans les faits le FPR
justifiera son action aussi bien au Rwanda, qu’après en RDC, surtout
comme une volonté de protéger les tutsi. Ainsi le FPR adapte une logique
ethniciste, en faisant systématiquement la différence entre les Tutsis
et les autres. Et comme toute organisation ethniciste, le FPR justifiera
ses propres crimes depuis le début de années 90 par « nécessité de la
défense des tutsi ». Le point de référence et l’autorité du FPR résident
dans le génocide qui a eu lieu en 1994. Mais l’analyse des faits n’est
pas conforme à cette image que le FPR donne de soi-même et de son rôle
lors du génocide rwandais.
Davenport et Stam, sont deux
scientifiques de l’université de Michigan, qui ont étudié les évènements
et les massacres qui ont eu lieu entre le 7 avril et le 9 juillet 1994.
Ils concluent que
1) la
grande majorité des massacres a eu lieu dans les zones sous contrôle
des troupes gouvernementales de l’ancien régime. Ils estiment le nombre
des victimes autour de 990.000. Il est donc clair qu’il y a eu génocide
et que la responsabilité directe de ce génocide se trouve chez les
responsables de l’ancien régime en charge de l’armée et des milices
génocidaires à ce moment.
2) ils
constatent que dans des zones sous contrôle du FPR il y a eu environs
80.000 personnes tués. Ils classent ces assassinats dans la catégorie de
crimes de guerre et ils trouvent inacceptables que les responsables de
ces massacres ne sont nullement poursuivis.
3) Davenport et Stam tirent aussi la conclusion que le but du FPR lors du génocide, ce n’était pas d’arrêter le génocide, ni de protéger les tutsis et les hutus démocratiques menacés. Mais qu’il s’agissait d’exécuter une stratégie militaire de conquérir le Rwanda.
Ainsi Stam cite les témoignages de plusieurs officiers de l’APR qui
avaient donné priorité à des actions de sauvetage de victimes du
génocide, qui ont été puni à cause du fait qu’ils ne s’étaient pas tenus
au plan militaire comme prévu. Ils tirent cette conclusion aussi en
comparant les mouvements militaires du FPR avec les massacres qui ont eu
lieu jour par jour. Allan Stam explique cette thèse lors d’une conférence qu’il a tenu en février 2009.
4) Pire,
selon leur reconstruction, les deux scientifiques ont constaté que les
massacres augmentaient suivant le progrès que le FPR faisait ou suivant
les massacres qui se faisaient dans les zones sous contrôle du FPR.
C’est donc comme si, lors d’une prise d’otages, les criminels exécutent
leurs menaces de tuer leurs otages, mais que la police continue d’agir
sans tenir aucunement compte avec cette menace. Résultat : les otages
continuent d’être tués les uns après les autres. Dans une telle
situation on pourrait parle de coresponsabilité dans les meurtres et
d’une attitude inhumaine et criminelle de la part de la police.
5) La
haine ethnique génocidaire a conduit vers le chaos et une violence
aveugle en 1994. Davenport et Stam, concluent qu’il y avait une énorme
mouvement au sein de la population, les gens se déplaçaient et cela
rendait la situation très instable. « C’était moins souvent le cas que
le gouvernement se tournait contre des citoyen identifiés ou que des
voisins se tournaient contre leur voisins, que c’était le cas que le
gouvernement se tournait contre des citoyen non-identifiés et que des
étrangers se tournaient contre des étrangers. » En comparant les données
démographiques de 1991 avec les données de la violence pendant le
génocide, Davenport et Stam concluent que les hutus faisaient la
majorité (entre 60 et 70%) des victimes tombées dans ces mois.
- Dirigé depuis plus que 22 ans par un même chef qui a un pouvoir totale dans l’organisation,
- fonctionnant selon une logique
militariste de conquête et d’occupation de territoire et des richesses
plutôt que selon une logique de libération et de servir le peuple
- admirant le militarisme et le libéralisme économique appliqués aux Etats-Unis
- empreignes d’une approche ethniciste
de tout conflit, Le FPR et Kagame ont complètement échoué à créer un
sentiment d’unité nationale réel dans la population rwandaise. Les hutus
en tant que groupe ethnique sont traités de coupables du génocide des
tutsies en tant que groupe ethnique, ce qui ne correspond pas à l réaité
de ce qui s’est passé en 1994.
Tous ces éléments font du FPR un
instrument idéal pour la stratégie étasunienne en Afrique, une stratégie
qui a comme objectif 1) de mater toute mouvance de gauche pour un
développement réellement indépendant et une démocratie populaire ; 2) de
semer la division parmi les populations africaines ; 3) de faire
échouer des alliances panafricaines et sud-sud qui visent de transformer
le continent africain en un continent émergent qui rejoint le mouvement
des fameux BRICS et 4) de calmer les ambitions des rivaux européens
nostalgiques aux temps coloniaux en les poussant dans le rôle de
sous-traitant.
[viii] Laurent Nkunda
est né le 3 février 1967 dans le territoire de Rutshuru. Après ses
études au Lycée de Katwe, il va étudier la psychologie à Kisangani. Il y
vit mal l’exclusion et le racisme anti-tutsi et il retourne à la
maison. En 1988 il va étudier au Rwanda à l’université de Mudende. Là il
se prépare à devenir pasteur, mais ses enseignants s’y opposent. Ils le
jugent pieux mais incontrôlable. Depuis 1991, il adhère au FPR à Goma,
en tant que recruteur eyt collecteur de fonds. Un an lus tard, il
intègre l’APR et suit une formation militaire en Ouganda. En 1993 il est
affecté aux opérations spéciales et secrètes. Sergeant dans l’APR et
membre des services de renseignements de Kagame, il retourne après la
chute de l’ancien régime rwandais au Nord-Kivu pour y recruter des
Tutsis congolais. Nommé commandant dans l’armée rwandaise, il participe à
la guerre de libération en 1996 qui mènera à la chute du dictateur
Mobutu. En août 1998, au moment qu’éclate la guerre d’agression contre
la RDC, Nkunda se trouvant à Walikale prend la tête d’une brigade et va
vers Kisangani. Il deviendra colonel dans l’armée d la rébellion
congolaise le Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD-aile de
Goma). Une rébellion qui tient son pouvoir à l’appui du Rwanda et à la
présence des FDR. Lors des négociations de paix, Nkunda n’est pas
d’accord. Il trouve que l’est du Congo doit faire la sécession. Après la
signature de l’accord de paix, Nkunda refuse sa nomination au grade de
général de brigade et il refuse le poste de commandant de la région du
Nord-Kivu qu’on lui propose. A la mi-2003, il crée l’association
« Synergie nationale » qui se dote d’une branche armée, l’
« Anti-génocide team ». Un an plus tard à la tête de 800 hommes il vient
en aide au général Mutebutsi en révolte à Bukavu. Pendant quatre jours
les habitants de Bukavu seront soumis au pillage et aux exactions des
troupes de Mutebutsi et de Nkunda. Quand Kagame retire les troupes
rwandaises et Mutebutsi se cache au Rwanda, Nkunda se retire avec ses
troupes et s’installe vers la région de Masisi. Le ,25 aout 2005 il y
fonde le Congrès Nationale pour la défense du peuple (CNDP). En 2006 il
tolère que ls élections soient tenues dans le territoire qu’il contrôle.
Mais après les élections Nkunda recommence à recruter et le CNDP
comptera vite 7000 à 8000 hommes, dans des nouveaux uniformes et bien
armés avec des armes et munitions venant du Rwanda. Le CNDP commence à
créer des cellules de sympathisants en Europe, aux Etats-Unis et en
Afrique du Sud. Il noue discrètement des alliances avec les mouvements
d’opposition anti-Kabila comme le MLC de Beba, l’UDPS de Thsisekedi et
même les fanatiques de la secte Bundu dia Kongo, qui poursuivent la
réinstauration de l’ancien Royaume Kongo. Entre août et novembre 2007,
Nkunda résiste victorieusement à une grande offensive de l’armée
congolaise. Avec la trahison de certains officiers, anciens du CNDP, qui
étaient intégrés dans l’armée Congolaise et aussi à cause de la
trahison des casques bleus indiens qui refusent d’assister les FARDC à
un moment décisive, l’armée congolaise va connaître une importante
défaite à Mushaki. En janvier 2008 il envoi des émissaires à la dialogue
inter-kivutien, mais en même temps il prépare le lancement d’une
guerre. Après cette conférence de réconciliation, il annonce qu’il ne se
sent pas lié par les conclusions de cette conférence et qu’il a
l’intention de prendre le pouvoir à Kinshasa. En août 2008, il lance la
guerre. Dans quelques semaines des centaines de milliers de Conglais
deviennent des réfugiés. Le 4 et 5 novembre les troupes du CNDP font un
massacre à Kiwanja : 150 civils sont tué. En décembre, des négociations
sécrètes ont lieu entre la RDC et le Rwanda. Kagame est obligé par ses
parrains à Wahington, de sacrifier son poulain Nkunda. Le 5 janvier le
criminel Ntaganda fait un putch u sein du CNDP. Il évince Nkunda de sa
position comme président. Le 22 janvier, Nkunda, en fuite, est arrêté au
Rwanda. Depuis lors il se trouverait en résidence surveillée. Le Rwanda
refuse de l’estradier en RDC. Le fait que maintenant, trois ans plus
tard, Kagame laisse participer Nkunda à des réunions de la direction de
M23, la nouvelle rébellion, en dit beaucoup sur sa détermination de
relancer la guerre de sécession des Kivus.
[ix] FDLR, Forces Démocratiques pour la libération du Rwanda.
Après avoir exécute le génocide entre avril et juillet 1994, l’armée et
les Interahamwes, les milices de l’ancien régime rwandaise s’étaient
enfuis et installé au Zaïre sous la protection de l’armée Française et
l’armée du dictateur Zaïrois Mobutu. Ils seront définitivement défaits
en automne 1996 quand l’APR de Kagame, envahit le Zaïre et démantèle les
camps des réfugiés qui servaient comme bases de ces groupes militaires.
En fuite et éparpillés, ils se regroupent et fondent d’abord l’Armée
pour la Libération du Rwanda et en september 2000 il se transforment en
FDLR. Depuis 1996 ces milices ont été combattu et persécuté. Ils peuvent
survivre difficilement en petits groupes dans les forets des Kivus,
suivant les règles de la guérilla. La résnece des Interahamwe et ensuite
des FDLR a été l’argument principale que le Président Kagama a toujours
employé pour envoyer ses troupes en RDC et pour appuyer les rebellions
pro-rwandais successives du RCD-Goma, du CNDP et du M23 aujourd’hui. Or
surtout depuis l’accord de paix et la collaboration entre les armées
congolaise et rwandaise en janvier 2009 pour en finir avec les FDLR,
leur nombre s’est vite diminué d’une 7 à 8 000 combattants à 800
combattants aujourd’hui.
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